Cette fois-ci j'aimerai abordé le sujet du portage bébé et enfant sous un autre angle... Disons plus profond, peut-être plus spirituel aussi ! Vaste programme, me direz-vous, mais il s'agit bien de cela.

Car le maternage des premières années que pourra faire ou non une jeune mère qui allaite, porte, masse et câline son petit, ou encore du père qui le soutien, le berce, le masse et le porte également, est infiniment mystique. Oui, j'ose l'écrire ici au risque, en ces temps troubles et sombres de la montée en puissance politique de mouvements religieux et sectaires, de me faire huer : porter bébé souvent, entrer en contact physiquement et psychiquement avec lui, est bien une activité quotidienne magnifiquement belle, spirituelle et même céleste !

Sentations de flottements et de sécurité

Déjà, d'un point de vue purement technique, y aura-t-il un autre moment dans notre vie d'homme ou de femme où un autre être humain sera capable de nous tenir ainsi, flottant dans les airs, à bout de bras, dans un corps à corps aussi tendre et sécurisant ? Peut-être lors d'une danse langoureuse avec son/sa partenaire ou bien si on pratique la haute-voltige au cirque, ou encore lors de certains jeux ou sports extrêmes comme le patinage artistique, le parachute, le saut à l'élastique, etc. D'ailleurs probablement est-ce pour cela que nous cherchons à retrouver adulte toutes ces sensations d'apesanteur si agréables et excitantes, vécus déjà dans notre enfance... Mais, hormis d'en faire son métier plus tard, malheureusement celles-ci ne seront jamais plus revécues quotidiennement et surtout rarement à nouveau avec un de ces deux parents, voir les deux.

Après la plupart me diront qu'ils n'ont déjà pas connu cela étant enfant et qu'à priori le portage ne leur ayant pas beaucoup manqué (quoique !), cela ne manquera pas non plus à leurs propres enfants... quoique ! La quête incessante et parfois absurde de certains croyants envers une figure paternel ou maternel tout puissante est probablement un reliquat inconscient d'un manque d'attention parental. Mais qui le reconnaîtra d'emblée ainsi ?

L'inspire-l'expire et le don de soi

Il en est tout différemment de la spiritualité, où là aucun manque ni trouble n'est à redouter, bien au contraire. Celui qui se rempli d'amour ne craint pas la solitude, ni l'abandon familial, ni conjugal, ni même professionel, et donc ces douloureuses sensations d'insécurité, d'oppression, de peur ou de colère qui peuvent l'habiter alors parfois. L'Amour naît déjà dans le regard d'autrui et surtout dans celui si puissants des bébés, comme  il naît aussi dans le souffle humain pour se transmettre au divin... et vis et versa.

Car, le sentiment amoureux relève tout autant de quelque chose de très mécanique et physique à autre chose de plus subtile, intangible et spirituel. En fait, quand on se colle à l'autre, on inspire et expire plus aisément à son rythme, et comme on le respire et on respire presqu'aux mêmes rythmes que lui, on communique alors bien mieux, on le comprend sans paroles, ni mots/maux qui peuvent grandement perturber nos relations par des incompréhensions de langages et de sens... Car, certes, le regard peut lié ou délié les êtres, mais le souffle et le rythme également. Quand on pratique souvent le Yoga ou le Tai Chi Chuan, on saisit mieux le nécessaire besoin de recevoir autant que de donner et cela de façon équilibrée, d'expirer autant que d'inspirer et cela calmement, lentement, en profondeur pour se rencontrer ou rencontrer l'autre en vivant aux mêmes rythmes que lui. C'est un vrai cheminement intérieur, comme une re-naissance.

En réalité, cela ne fonctionne pas très longtemps chez les êtres humains le don infini d'amour à sens unique. A un moment où l'autre, dans toutes relations saines il faut trouver un équilibre entre les besoins et envies des uns et des autres. Aimer autrui, c'est échanger continuellement, c'est créer une relation où l'un donne pour que l'autre reçoive afin que l'autre puisse ensuite donner en échange de l'amour-attention... et vis et versa ! Sauf qu'on en arrive trop souvent aux comportements inverses dans notre société si individualiste désormais, où des parents, et essentiellement toujours les mères oublient leurs propres besoins et désirs en donnant sans relâche et ab-négation à leurs enfants (et conjoints au passage) qui prennent, prennent, prennent sans cesse et sans jamais être totalement rassasiés comme une sorte de "malbouffe affective" totalement anxiogène ! Ainsi nos jeunes peuvent finir par penser en grandissant que c'est tout à fait normal de passer en premier avant tout le monde et que tout le monde leur doit obéissance en toute situation... Malheureusement c'est bien encrée dans nos croyances, notre histoire comme notre société entière l'idée commune du don sacrificiel pour le "bonheur d'autrui"... C'est très profond et donc complexe, en fait, à démêler !

Ainsi, "porter autrui" n'est certainement pas non plus le "sup-porter" indéfiniment quand vient l'âge de l'inévitable sevrage et séparation des corps et âmes. Cependant celle-ci sera d'autant mieux acceptée par l'enfant comme l'adulte, qu'ils se seront fait en douceur, progressivement et étaler sur plusieurs années et non jours ou semaines. Ainsi en va le maternage humain, comme animal d'ailleurs, proportionnellement à notre espérance de vie.

A Lire :

Jesper Juul : "L'art de dire Non en ayant la conscience tranquille", éditions Chronique Social, 2012 ; ou encore "Me voilà ! Qui es-tu ? Sur la proximité, le respect et les limites entre adultes et enfants", éditions Fabert, 2014

Marshall B. Roosenber : "Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)", Initiation à la Communication Non Violente, éditions La Découverte, 2016